Mon projet photographique s’attache à recueillir les traces de présence au monde, qu’elles soient laissées par l’homme ou naturelles, pour construire des mémoires, intimes, familiales ou collectives. Entre autoportraits, paysages urbains, installations ou recueils hétéroclites, mes images jouent du multiple, troublent les représentations et mêlent les espaces ou les temporalités pour révéler les liens entre les dissemblances et mettre à jour la poésie du monde.
La série d’autoportraits « Éléments », se veut une expérience physique où mon corps ne suffirait plus à me contenir. Le besoin d’envahir d’autres espaces serait une urgence. Là s’ouvrent les possibles du dédoublement et du transfert dans d’autres matières. Reflets, recouvrements, immersion permettraient de prendre enfin la bonne proportion. Hors de soi, hors d’un espace étriqué et clos, l’acte photographique pourrait alors se propager sur la feuille à d’autres espaces. La bande d’essais que je propose d’exposer avec le tirage vient le compléter, mais aussi le brouiller, l’obstruer et le ramener à son état premier de matière photographique. Le fragment placé devant l’image finale vient en effet cacher certaines zones, les mêmes qui préoccupent tant le tireur qu’il en fait ses essais préalables. Ici les zones fragmentées sont trop claires, trop sombres, parfois illisibles, mais impossible de ne pas chercher à recoller les morceaux. Au-delà de l’image et du sens, l’invitation d’entrer dans le processus devient essentielle. Grâce à ces petites bandes d’essais, ratées, incomplètes, je cherche à donner la vraie mesure de ma photographie. À quel moment au juste fait-on une photographie ? Ma réponse dans ce projet est que la photographie n’est pas affaire de moment, mais affaire de processus. Les images multiples, fragmentées de cette série n’ont pas de forme définitive, elles se font et se refont à chaque fois qu’on les regarde ou qu’on les manipule.