LE MONA : VOYAGE AU CENTRE DE L’ÉTRANGE

Construit en 2011 en Tasmanie (Australie) par un multimillionnaire un peu fou, David Walsh, le MONA (Museum of Old and New Art, Musée d’Art Ancien et Moderne en français) est à l’image de son créateur. Conçu comme le « Disneyland subversif pour adultes », cet endroit est pour le moins déroutant.

D’emblée une signalisation routière prévient les visiteurs, par un panneau sur la route menant au MONA, du passage possible de gorille. Je ne sais donc pas ce qui m’attend par la suite et avance vers l’inconnu.

Photo intérieur du MONA
Claire Béteille, MONA, 2019
L’œuvre 20:50 de Richard Wilson (1987) au MONA
Claire Béteille, 20:50 de Richard Wilson, 2019
L’œuvre 20:50 de Richard Wilson (1987) au MONA
Claire Béteille, 20:50 de Richard Wilson, 2019
L’œuvre Beside Myself de James Turrell (2017) au MONA
Claire Béteille, Beside Myself de James Turrell, 2019
L'oeuvre Kryptos de Brigita Ozolins, 2008-2010 au MONA
Claire Béteille, Kryptos de Brigita Ozolins, 2019
L’œuvre Cloaca Professional de Wim Delvoye (2010) au MONA
Claire Béteille, Cloaca Professional de Wim Delvoye, 2019
L’œuvre Pulse Room de Rafael Lozano-Hemmer (2006) au MONA
Claire Béteille, Pulse Room de Rafael Lozano-Hemmer, 2019
Les escaliers du mona
Claire Béteille, MONA, 2019
Salle rempli d'eau avec le sarcophage de la momie au MONA
Claire Béteille, MONA, 2019

Voyage au centre de la Terre


Tel Axel Lidenbrock dans le roman Voyage au centre de la Terre de Jules Verne, je commence mon exploration par une longue descente dans les entrailles de la Terre. Le musée, à moitié souterrain, a été construit le long d’une paroi rocheuse. Modernité oblige, je ne suis pas munie d’un livre laissé par un ancien explorateur, mais d’un smartphone contenant les différentes informations sur les œuvres exposées.

L’exploration démarre dans une grande salle mi-béton mi-roche. Tous mes sens sont en éveil et sans cesse remis en question. Je flâne, j’erre, je me perds, fais demi-tour et recommence… S’il avait pu me faire marcher sur le plafond, David Walsh l’aurait fait.

Les différentes parties s’entremêlent et ne se ressemblent pas. Je passe de l’obscurité à la lumière, m’arrête le temps de m’y habituer. Tout est fait ici pour me perturber, ce qui fait que tous mes sens sont brouillés et je ne sais plus à quoi me fier.

20:50 de Richard Wilson (1987) est l’une des œuvres les plus fascinante. Cette avancée semble donner sur une pièce sans fond et il me faut un certain temps pour comprendre qu’il n’en est rien. Je m’approche doucement. Le surveillant m’annonce de faire attention et de ne rien toucher. Je ne comprends pas, mais j’avance prudemment, perplexe, je sens l’huile de moteur. Et tout à coup, c’est la révélation. Comment ne pas l’avoir vu plus tôt ? Mon odorat m’a pourtant informée bien avant mes yeux. Il s’agit d’un bassin rempli d’huile de moteur usagée permettant une réflexion parfaite et donnant ainsi l’impression de profondeur. Le subterfuge est saisissant.

L’œuvre 20:50 de Richard Wilson (1987) au MONA
Claire Béteille, 20:50 de Richard Wilson, 2019

Voyage dans le futur


Je continue mon exploration : Beside Myself de James Turrell me conduit ensuite à travers un tunnel de lumière me projetant directement dans une nouvelle dimension. Ces jeux de lumière sont saisissants, le décor semble futuriste ou issu d’un film de science-fiction. À l’inverse des aventuriers de Jules Verne, je suis projetée dans le futur.

Puis avec Kryptos, Brigita Ozolins (2008-2010) me fait traverser plusieurs salles, les unes à l‘intérieur des autres, telles des poupées russes. Il fait noir. Seule la lumière qui semble irradier depuis le bas du mur permet de m’éclairer. Sur les murs, des 0 et des 1 me font entrer dans le monde binaire, m’introduisent dans la matrice. La pièce centrale permet à peine de tenir à deux ou trois personnes. Le plafond est recouvert d’un miroir créant un parfait reflet inversé qui sème le trouble, tel le reflet d’une autre dimension. Où est la réalité ? Où est le monde matriciel ?

Voyage dans l’organisme


Je ressors vite pour arriver dans une pièce qui ressemble au labo d’un savant fou. Une série d’amphores avec des tubes sont suspendues au plafond. Je n’approche pas davantage tant l’odeur est insoutenable. Wim Delvoye avec Cloaca Professional (2010), a recréé un système digestif en entier. Le réceptacle sur la droite permet de voir la machine déféquer une fois par jour. La machine devient un être humain. Le musée semble presque vivant. Cette exploration souterraine ressemble à un voyage à l’intérieur d’un être mi-organique mi-machine.

Pulse Room de Rafael Lozano-Hemmer (2006) renforce cet effet, en installant trois cents ampoules qui s’allument et s’éteignent au rythme de pulsations cardiaques. Ce sont celles d’un visiteur, détectées et reproduites en lumière par une interface. Le musée semble ainsi s’inspirer des humains qui l’entourent pour prendre vie.

La présence d’étranges escaliers se dirigeant dans tous les sens comme des connections entre différents organes accentue davantage l’impression de vivant. On s’attendrait presque à les voir bouger.

Voyage dans le monde des morts


Après le monde du vivant, j’arrive au royaume des morts. J’avance de dalles en dalles, silencieusement, dans la pénombre, dans une pièce sacrée au sol rempli d’eau. En son centre, une momie de 20 000 ans repose dans une « vitrine-cercueil » faite de béton et de verre. Cette salle est un tombeau où la lumière et la mise en scène mettent l’accent sur la momie. Elle n’est plus une pièce de musée comme une autre, elle est sacralisée. L’atmosphère est silencieuse, reposante, étrange mais aussi sinistre. C’est le silence infini de la mort, le dernier repos. Je suis directement en contact avec la mort.

La visite finit par devenir étouffante. La tête tourne, les bruits et les odeurs sont oppressants, ma vue est troublée, je suffoque. Il est temps de revenir à la surface et de retrouver le soleil, le vent, la vie.


Infos Pratique :

Le site internet du MONA