Entre temps de parole, et réflexions théoriques, Photographie en Acte(s) propose à son lecteur une ouverture parmi les multiples réflexions sur ce médium qui fascine tant. Il ne s’agit pas de problématiser l’acte photographique ou encore de se demander ce que nous avons fait de la photographie, mais définir la photographie comme un acte et la regarder avec les mots.
Parce que la photographie ne dit rien, parce qu’elle reste muette, le séminaire de recherche construit par Michelle Débat, professeur en histoire et esthétique de la photographie et art contemporain, et critique d’art et Jacinto Laguira, professeur en esthétique et en philosophie de l’art, et critique d’art, instaure un temps.
Celui de l’acte de penser, mais pas que. Six chapitres, six verbes. Les discours tenus à l’INHA entre 2010 et 2013, au sein de la salle Mariette ont su développer chez onze jeunes critiques onze recherches, onze volontés. Ils donnent la structure de l’ouvrage, tout comme ils nous offrent une pensée. Donner la parole à des jeunes penseurs théoriciens, encore étudiants pour la plupart, est un pari osé, mais tellement simple. Même si la forme peut paraitre scolaire, et académique, les textes n’en sont pas moins des analyses efficaces.
La richesse de leur discours accompagnant ainsi les interventions des quatorze artistes puisent leur validité dans ces verbes d’action qui se veulent réfléchir l’image photographique autrement. L’acte ici ne se résume pas à un geste, mais s’étend aux actions réalisées avant, pendant et après la production de l’oeuvre. Qu’il soit simultané, retardé, maitrisé, improvisé ou décalé, l’acte photographique est en aucun cas isolé des autres arts. Quittant ainsi son îlot, elle rencontre le théâtre ou encore la danse. En résulte une passerelle autonome et dynamique entre les différentes démarches artistiques. Ainsi la répétition filtre-masque chez Manuela Marques, développée par Svitlana Kovalova répond aux masques de Patrick Tosani, et ses répétions de recouvrement appuyées par Emilie Groleau. De plus, les études porées ne s’étendent pas seulement que vers un travail précis de l’artiste, mais couvrent plusieurs de ces travaux.
Le classement est loin d’être arbitraire. Le livre est ainsi articulé sur un principe de va et viens entre tout d’abord les conférences, et les réflexions autour du verbe d’action ; mais aussi entre ces verbes eux-mémes. Les verbes s’enchainent sans jamais se disparaitre. Nous devenons à l’instar d’un artiste, des découvreurs de mots, de sens et de questionnements sur la photographie. Un dialogue et un partage s’installe, et prend forme au fur et à mesure de la lecture, et on s’y prend à revenir aux pages précédemment lues. Un artiste s’est plusieurs verbes. Une photographie, c’est plusieurs actes.
La Photographie en Acte(s) : répéter-représenter-reproduire-traduire-transcrire-transmettre sous la direction de Michelle Débat et Lacinto lageira aux Editions Filigranes, 2014.