Des lueurs brumeuses, un bourdonnement à peine perceptible, une fermentation. Des cuisses, des lèvres, quelques boas surgissent dans un remous nébuleux. Les années soixante avec une mince patine sixties désignent un moment archéologique, un ensevelissement interrompu, une antériorité faite future dans une séquence court-circuitée. Gerard Petrus Fieret attend dans sa cave à La Haye, il ne sait pas quoi, mais voit venir. En attendant il invite des femmes pour jouer, lui, son appareil photo et ses amies d’un jour. Un jeu à trois, pas triangulaire mais circulaire, il faut que ça tourne, pas de pose, pas d’angle mort, pas de sommet, juste un mouvement, un bougement de corps qui gravitent. Petrus Fieret agite.
Un demi siècle plus tard on dirait qu’il attendait les selfies, les petits écrans en verre des smartphones et l’agitation des images sur le réseau. L’étrange parenté entre les tirages argentiques du photographe néerlandais et le bouillonnement photographique sur Facebook ou Instagram est une coïncidence photographique. Comme celle des pellicules cachées de Vivian Maïer, dont les cartons où elles gisaient, étaient une prémonition du stockage sur disque dur. La photographie est avant tout prémonitoire. Elle ensevelit le futur.
Petrus Fieret saisit une fermentation, lui dans sa cave, son labo photographique, ses femmes, leurs jeux amoureux si pleins de vie, et des éclairs, des halos, des crépitements. Il tient à effacer le présent, pas le sien, mais celui du monde, il veut être ailleurs, avant, après, nulle part. Il scrute la nébulosité de l’a-présent ou de l’in/présent/able.
Son oeuvre ressemble à une étoile filante, lumière qui traverse le temps, d’une explosion d’il y a longtemps, coïncidence entre un temps astronomique et un présent qui ne vient pas. Une comète perdue passe.