Née à Cracovie (Pologne), Karolina Laderska vit et travaille à Paris. Dans son travail artistique elle développe la notion du corps comme surface d’enregistrement de la sensation. Il est entièrement construit par des sensations croisées qui représentent sa force motrice et destructrice à la fois. Quand le corps est écorché, ne reste-t-il que la sensation?
Le monde du sentir est un monde a-linguistique, rempli d’apparences, de lumières, de couleurs, de sons, d’odeurs et de formes mouvantes. C’est un espace éphémère qui agit et existe dans l’immédiateté des choses, il ne connaît ni le passé ni arrive à se projeter dans le futur. Il est le présent continu.
Ses travaux cherchent à spatialiser ce corps sentant. Il advient par la matière, manipulée, explorée, mise en jeu. Il s’agit de transposer le territoire intérieur de mon propre corps en un paysage matériel, organique et symbolique qui, au moment de son apparition, se détache de moi, peut être libéré.
L’ambiguïté et la fine frontière entre la délicatesse et la violence est vitale. Le contraste entre l’attirance et le dégoût se brouille, le réconfortant, le poétique et le dépouillé se mêle avec le repoussant, le cru, le brut.
Elle crée des formes « non-tenues », débordantes, explosées. Un corps qui subi une excitation pulsionnelle permanente, non-localisable, non apaisante. Il ne retrouve la paix qu’au moment de son arrêt dans l’informe. C’est un corps arrêté à un moment de sa convulsion, démembré, déconstruit. Il se manifeste par une peau rompue, déchirée, une peau qui vient de libérer tout son contenu. Il représente un moi en recherche constante d’écorce, d’apaisement, d’arrêt. L’excitation pulsionnelle est chaotique et douloureuse.
Une tension entre la suspension et le relâchement est mise en œuvre : les pièces sont maintenues, pendues, et en même temps – relâchées, flottantes. Elle cherche à fixer le moment passager d’arrêt et de déploiement de la forme, avant qu’un autre mouvement n’advienne, puisque la suspension est toujours suivie par un relâchement.
Ses pièces révèlent le désir de remodeler le corps tel que nous le connaissons, une volonté de le concevoir comme un tout, un vivre incarné, une pure intensité, l’unité dynamique et passionnelle, traversée par des énergies du désir et des flux.